Expansion d'abréviations avec YASnippet

Quand on programme (ou que l'on rédige), il est assez courant de devoir saisir des séquences récurrentes (du boilerplate). C'est probablement plus observable quand on écrit de code, où certaines constructions du langages, disposant de niveau d'expressivité différents, doivent être répétées très régulièrement. Dans cet article, je vous propose de découvrir YASnippet (pour Yet An other Snippet extension), un système de template pour Emacs, permettant l'expansion d'abréviations, de manière structurée.

Quand on écrit du code, où que l'on rédige des documents, il est assez courant de devoir répéter des instructions imposant une structure fixe. Par exemple, dans beaucoup de langages de programmation, la construction if respecte généralement ce motif : if PREDICATE then A else B. YASnippet est un système de templates populaire dans le monde d'Emacs, pour permettre la saisie interactive, tout en ajoutant une notion de mouvements structurés. Le greffons est très connu cependant, en essayant d'augmenter ma maitrise de Emacs (qui est toujours tristounette), j'ai commencé à l'utiliser et j'ai été très impressionné par son ergonomie ! Cet article n'est pas un tutoriel en profondeur, la documentation du greffon est très complète, mais un très rapide survol de quelques fonctionnalités que j'utilise.

Un petit détour par abbrev-mode

De mon point de vue, YASnippet est une version augmentée du mode de saisie d'abréviations via de Emacs, abbrev-mode qui permet de produire une expansion pour une abréviation donnée. Par exemple, en OCaml, la définition du corps d'un module, une structure, est toujours close entre struct et end. On pourrait donc imaginer une abréviation qui étend struct en struct end (à la saisie de la touche TAB). Même si le mode d'abréviations est très convaincant, j'ai trouvé que son minimalisme le rendait compliqué à utiliser efficacement. En effet, dans l'exemple qui d'associer struct et end, je voudrais que mon curseur se trouve entre l'ouverture et la fermeture. Malheureusement, le contrôle de la position du curseur et autres action ad-hoc, impose de passer par des hooks, rendant la définition d'expansion d'abréviations, de mon point de vue, laborieuse.

Heureusement, YASnippet permet de résoudre ce problème, d'une manière que je trouve convaincante. Voyons comment s'en servrir pour résoudre des petits cas pratiques.

Installation et organisation des snippets

YASnippet n'est pas fourni par défaut dans Emacs, il est donc nécéssaire de l'installer. Pour ma part, j'utilise la macro use-package, qui me permet de décrire déclarativement ma configuration (et qui, depuis >= 29, est disponible par défaut) :

(use-package yasnippet
  :config
  (setq yas-snippet-dirs '("~/scame/snippets"))
  (yas-global-mode 1))

L'installation est assez commune, je configure le répertoire où se trouveront mes snippets (scame est ma configuration Emacs) et j'active globalement le mode. Comme nous le verrons plus en détail dans l'organisation des snippets, ils sont scopés par mode, ce qui ne pose donc, de mon point de vue, aucun problème d'activer le mode globalement. Il est aussi possible de modifier les liaisons de touches par défaut, mais pour mon usage, TAB pour subsituer une abréviation est très confortable.

Organisation du répertoire de snippets

Un snippet est un fichier texte qui se trouvera dans un répertoire enfant du répertoire que nous avons configuré par le biais de la variable yas-snippet-dirs. Chaque sous-répertoire décrit un mode pour lequel les snippets sont accessibles. Par exemple, dans mon cas, voici comment est structuré le répertoire ~/scame/snippets :

└─📁 scame
   └─📁 snippets
     ├─📁 fundamental-mode
     ├─📁 html-mode
     ├─📁 markdown-mode
     └─📁 tuareg-mode

Les snippets, qui sont des fichiers textuels classiques, seront enregistrés dans chacun des sous-répertoires, pour n'être actifs que si l'on se trouve dans le mode référant. Dans mon exemple, j'ai des abréviations pour les modes html, markdown, tuareg (pour OCaml) et les abréviations localisées dans fundamental-mode seront communes à tous les modes.

Quand le répertoire yas-snippet-dirs est correctement paramétré, chaque création de snippet lancera le mode snippet automatiquement et chaque sauvegarde rechargera la table des snippets, ce qui est très confortable !

Création d'abréviations

Maintenant que nous avons installé YASnippet, et que nous avons configuré son répertoire, créeons nos premiers snippets !

Pour commencer, nous allons créer le snippet me, qui quand on écrit !me, à la saisie de TAB, remplace !me par Xavier Van de Woestyne <mon adresse email>. Comme cette abréviation n'est pas spécifique à un seul mode, on peut l'écrire dans snippets/fundamental-mode. Créeons un fichier me (comme YASnippet détecte si un fichier est créée dans un répertoire destiné à stocker des abréviations, il n'est pas nécéssaire de donner une extension au fichier, Emacs activera automatiquement le mode snippet). Dans ce fichier, nous allons avoir 4 lignes:

# name: me
# key: !me
# --
Xavier Van de Woestyne <my email address>

Les lignes préfixées par # décrivent les métadonnées de l'abréviation :

En sauvegardant le fichier, l'expansion sera disponible et il sera possible de s'en servir de cette manière : Exemple d'expansion

Actuellement, notre abréviation ne fait pas beaucoup plus que ce qu'il était possible de faire avec abbrev-mode, mais c'est déjà un très bon début ! (Il existe des métadonnées aditionnelles, documentées ici, permettant de paramétrer très finement une substitution d'abréviation).

Contrôle du curseur après subsitution

Ce qui rend, de mon point de vue, YASnippet largement plus flexible et agréable à utiliser que abbrev-mode est la possibilité de décrire la position du curseur après substitution. Reprenons l'exemple struct et end:

# name: structend
# key: !struct
# --
struct $0 end

Ici, $0 dénotera la position du curseur après substitution. Une fois que !struct sera remplacé par struct end, le curseur se trouvera entre struct et end. Démonstration :

Exemple d'expansion avec relocalisation du curseur

Dans notre exemple, on observe qu'une fois que !struct a été remplacé par struct end, le curseur se situe bel et bien entre les deux membres de l'expression de module ! A ce niveau, je trouve que YASnippet est déjà largement plus simple à utiliser que abbrev-mode, ne demandant pas de viruosité particulière en elisp pour contrôler efficacement la position du curseur après une expansion.

Remplacements et navigation structurée

La raison pour laquelle YASnippet est plus qu'une extension à l'abbrev-mode, c'est que la description d'un template permet de construire des trous (des placeholders) tout en autorisant la navigation de trous en trous et potentiellement d'appliquer des fonctions Elisp.

Par exemple, reprenons l'exemple me, sauf que cette fois, je voudrais construire un gabarit générique me permettant de naviguer entre le nom et l'adresse email.

# name: email
# key: !email
# --
$1  <$2> $0

L'effet de la substitution de !email placera d'abord le curseur à la position $1 et l'utilisation de TAB déplacera le curseur sur $2, permettant la navigation entre les différents trous du gabarit. Une fois que la saisie est finie, TAB déplacera le curseur à la fin de la substitution.

Exemple d'expansion avec navigation

La définition de trous permet aussi l'association à des labels, pour rendre la lecture de la substitution plus facile :

# name: email
# key: !email
# --
$1  <$2> $0

Exemple d'expansion avec navigation et labels

Répétitions et exécution de Lisp

Allons un peu plus loin, dans un exemple plus réaliste que les précédents. Il est très courant qu'un document Markdown commence par la définition de métadonnées, par exemple, le titre du document, l'auteur, et la date de publication.

Voyons un gabarit, situé dans snippets/markdown-mode (pour n'être accessible que depuis le mode Markdown), nous permettant d'automatiser l'écritue du prélude de notre document :

# name: prelude
# key: !prelude
# --
---
title: ${1:Article title}
author: Xavier Van de Woestyne <xaviervdw@gmail.com>
date: ${2:`(current-time-string)`}
---

# $1

$0

Dans ce gabarit, on observe deux choses intéressantes. Premièrement, le champ date est construit en définissant comme valeur par défaut l'expression Elisp (current-time-string). Ensuite, on répète l'utilisation du trou $1 pour pré-remplir le titre de niveau 1 :

Exemple d'expansion de prélude Markdown

L'exemple est déjà plus ambitieux (et potentiellement réaliste) que ceux que nous avions vu précédemment et, selon moi, démontre l'utilité de YASnippet ! Je vous invite à lire la documentation du langage de gabarits pour prendre pleinement connaissance des possibilités offertes et potentiellement pour trouver des cas d'usages amusants !

Une collection de snippets pour OCaml

Pour démontrer l'intérêt, et la versatilité des gabarits, voici un dernier exemple qui applique une fonction sur un trou. En OCaml, un module doit commencer par une majuscule, et il est courant de nommer les types de modules tout en majuscule (c'est une convention implicite). On peut donc imaginer ces 3 gabarits :

Premièrement, on permet la construction structurée d'un module, où le nom du module remplace automatiquement les espaces par des _ et où le nom du module est automatiquement captialisé, donc foo bar baz devient Foo_Bar_Baz (pour parfaitement faire les choses, il ne faudrait ne capitaliser que le premier mots mais je voulais garder l'exemple en one-liner) :

# name: impl
# key: !impl
# --
module ${1:$$(capitalize (string-replace " " "_" yas-text))} = struct
  $0
end

On applique la même logique pour décrire une signature :

# name: intf
# key: !intf
# --
module ${1:$$(capitalize (string-replace " " "_" yas-text))} : sig
  $0
end

Et on applique upcase, plutôt que capitalize pour les types de modules, transformant le texte foo bar baz en FOO_BAR_BAZ :

# name: modtype
# key: !modtype
# --
module type ${1:$$(upcase (string-replace " " "_" yas-text))} = sig
  $0
end

En ajoutant quelques abréviations supplémentaires, pour décrire let par exemple, on peut construire un workflow d'écriture de code très interactive, de mon point de vue :

OCaml workflow

Il est évidemment possible d'aller largement plus loin, et d'améliorer drastiquement l'ergonomie de nos gabarits. Le but de cette rubrique était de montrer de quelle manière il est possible, au moyen de YASnippet, de décrire une manière de naviguer structurellement dans une expression, ce qui se marie assez bien avec les fonctionnalités de navigation dans le code Merlin.

Pour conclure

Le mode, au vue de ses statistiques MELPA, est incroyablement populaire et je comprend pourquoi :

Je vais continuer à utiliser YASnippet pour simplifier certaines tâches récurrentes et la fonctionnalités que je préfère est sans aucun doute la possibilité de décrire des trous, rendant la navigation structurelle envisageable ! Si jamais vous avez des chouettes gabarits à partager, n'hésitez surtout pas, je serais ravi de lire vos propositions !

Une fois de plus, un article qui semblera évident pour les utilisateurs de Emacs aguerris ! Cependant, si, comme moi, vous avez toujours utilisé Emacs sans réellement essayer de comprendre comment efficace, j'espère que cet article aura été utile !


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